L'hépatite, l’épidémie cachée du Cameroun

Près d’un Camerounais sur 10 est porteur de l’hépatite B, faute de prévention et de compréhension de l’importance de la vaccination.

  • 3 octobre 2022
  • 5 min de lecture
  • par Nalova Akua
Pour vacciner les populations, les agents vaccinateurs doivent parfois faire face à des conditions météorologiques extrêmes. Crédit : PEV Cameroun
Pour vacciner les populations, les agents vaccinateurs doivent parfois faire face à des conditions météorologiques extrêmes. Crédit : PEV Cameroun
 

 

Prévalence inquiétante des hépatites

Se faire vacciner contre l'hépatite B n'a jamais été une priorité pour Edith Djomou Njike. La nécessité s’est présentée, pour cette étudiante âgée de 26 ans, au moment où elle était sur le point de quitter le Cameroun. Son voyage pour le Togo, en vue de la poursuite de ses études, est soumis à l’obligation vaccinale contre l’hépatite. Cette expérience a contribué à un changement de mentalité à l’égard du vaccin.

« Je suis étudiante dans le domaine scientifique. Mais, je n’étais pas suffisamment informée sur l’importance du vaccin contre l’hépatite B sur la santé », admette-elle, quelques minutes après avoir reçu son vaccin au Centre international de vaccination de Yaoundé.

« Depuis l’introduction du vaccin [contre l'hépatite B] en 2005, la prévalence est de moins d’1% dans la génération qui est vaccinée ».

« C’est en suivant la procédure que j’ai pris connaissance des bienfaits du vaccin de l’hépatite pour les êtres humains », ajoute-t-elle. Elle dit éprouver un sentiment de soulagement et se sent désormais « protégée » après avoir reçu sa dose de vaccin.

« C'est la première fois que je reçois une dose de ce vaccin », confie-t-elle. « L'hépatite est dangereuse. C’est la raison pour laquelle j'ai fait le dépistage. Aujourd'hui, j'ai pris la première dose. La prochaine sera administrée dans quelques semaines ».

Le Cameroun, un pays 27 millions d’habitants, fait partie des pays à haute endémicité pour l’hépatite virale. 1,3% de la population souffre de l’hépatite C contre 8,3% pour l’hépatite B. Le ministre de la Santé publique du pays attribue le taux de prévalence élevé à l'ignorance et à l'adoption de pratiques et comportements à risque. A cet effet, il perçoit la maladie comme « l'une des plus contagieuses » qui existe.

« Les chiffres de la prévalence aux plans mondial, africain et national méritent qu’on y accorde la plus grande attention », a déclaré le ministre de la santé publique, le Dr Malachie Manaouda. « Nous avons le devoir d’agir à la fois sur la prévention et la prise en charge des hépatites ».

Au regard de cette situation, le Dr Malachie note que le gouvernement camerounais « a conscience de la nécessité de sensibiliser toutes les parties prenantes, pour que soient prises des mesures efficaces et efficientes de prévention et de traitement de ces infections ».

Début tardif de la vaccination

Une personne atteinte de l’hépatite B peut avoir l’impression d’être en bonne santé : la maladie peut passer inaperçue, ou, si elle devient chronique, mener au développement d’un cancer du foie ou d’une cirrhose. Une personne qui a été infectée reste infectée et contagieuse à vie.

« On ne possède pas encore de données exactes sur les causes de cette pathologie. Cependant, on note surtout l’absence de moyens de prévention », déclare le Dr Shalom Tchokfe Ndoula, secrétaire permanent du Programme élargi de vaccination du Cameroun.

« La plupart des patients qui souffrent de l’hépatite virale B depuis une longue période l’ont probablement contractée en bas âge » poursuit-t-il.

« Le nombre de personnes infectées par l’hépatite a connu une progression. Le Cameroun ne disposait pas d’une politique nationale de prévention jusqu’à récemment ».

Prévenir la transmission de la mère à l’enfant

Le Cameroun a introduit le vaccin contre hépatite B en 2005. Le vaccin est administré à l’âge de six semaines, dix semaines et quatorze semaines à tous les nouveau-nés.

« Depuis l’introduction du vaccin en 2005, la prévalence est de moins d’1% dans la génération qui est vaccinée », se réjouit le Dr Shalom Tchokfe Ndoula.

« Cela signifie qu’en continuant à vacciner la cohorte successive des enfants qui vont naitre, et surtout en introduisant le vaccin dès la naissance, on va pouvoir éliminer l’hépatite B dans les prochaines années », envisage le secrétaire permanent du programme élargi pour la vaccination.

En outre, le Dr Shalom Tchokfe Ndoula révèle que le programme élargi pour la vaccination entend également introduire une dose dès la naissance pour la porter à quatre prises. « On suppose qu’il peut y avoir une transmission de la mère à l’enfant, et que le vaccin à six semaines ne le couvre pas », observe-t-il. « Par conséquent, en introduisant le vaccin à la naissance, on pourra prévenir la transmission de la maladie de la mère à l’enfant ».

Dans la même mouvance, le ministre de la Santé publique affirme que le gouvernement est résolument engagé dans la lutte contre les hépatites virales dans le pays.

A en croire le Dr Manaouda : « La réduction de 82% du coût global des médicaments de prise en charge de l’hépatite C et de 60% de celui relatif à l’hépatite B, par le mécanisme de subvention, confirment la volonté du Chef de l’Etat de démocratiser l’accès à ces soins et bien plus, de les rapprocher des populations, dont la demande est réelle et importante ».

Le ministre camerounais de la Santé publique renchérit : « Ces actions, bien que salutaires, laissent entrevoir la nécessité d’en conduire d’autres, notamment en rapport avec l’information, l’éducation et la sensibilisation sur la prévention et la prise en charge des hépatites ».

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