On a parlé vaccins avec… Professeur Nayi Zongo, président de la coalition burkinabè contre le cancer

Le Professeur Nayi Zongo est le président de la Coalition burkinabè contre le cancer (COBUCAN). Avec lui, nous évoquons l'importance de la vaccination contre le papillomavirus pour éviter le cancer du col de l'utérus, qui coûte la vie à des centaines de femmes chaque année au Burkina Faso.

  • 3 février 2023
  • 5 min de lecture
  • par Personnel de Gavi
Professeur Nayi Zongo
Professeur Nayi Zongo
 

 

VaccinesWork : Quel est l’impact du cancer du col de l’utérus dans votre pays ?

Professeur Nayi Zongo : Le cancer du col de l’utérus est en termes de fréquence le deuxième cancer de la femme. Il représente 23% de l’ensemble des cancers féminins. Mais en réalité, c’est le cancer le plus létal, et nous avons très peu de recul chez les femmes qui ont présenté ce cancer, parce qu’elles meurent presque toutes et assez vite.

Pourquoi pensez-vous que le vaccin contre le papillomavirus est important ?

Le vaccin contre le VPH est très important à plus d’un titre. Premièrement, parce que le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers dont nous avons compris tous les mécanismes. C’est l’un des cancers qui dispose d’une prévention efficace parce qu’on connait le virus qui en est responsable. En plus, le vaccin a montré son efficacité sur la prévention du VPH et par ricochet la prévention du cancer. Donc il va permettre de réduire de manière drastique le nombre de cas de cancers du col de l’utérus, et par conséquent de réduire le nombre de décès liés au cancer du col de l’utérus et aux cancers féminins en général.

« La bataille contre le cancer se gagne avant l’hôpital, par la prévention, par le diagnostic précoce, par les campagnes de dépistage. L’hôpital doit être réservé pour les cas qui sont survenus malgré ces barrières. »

Quels sont les enjeux et les défis pour le déploiement de ce vaccin dans la communauté ?

Pour que le vaccin sot déployé et utilisé, il y a plusieurs leviers sur lesquels on peut agir. Il faut d’abord combattre les idées préconçues, car de par le passé, il y a des vaccinations qui ont mené à des problèmes de santé, ce qui fait que la population est assez réticente sur l’introduction de tel ou tel vaccin. Il faut travailler à rassurer les familles, les parents pour laisser leur fille être vaccinée, sur le bien fondé de la vaccination mais aussi sur l’innocuité de ce vaccin.

Il faut également travailler de telle sorte que toutes les femmes aient accès à l’information juste et à temps pour pouvoir amener leurs enfants dans les hôpitaux se faire vacciner. Il faut mettre en place une bonne stratégie de communication en passant par les écoles, les marchés, les universités, en occupant les plateaux de télévision pour parler de ce vaccin et les radios publiques et privées. Il faut annoncer la bonne information de la bonne manière.


Avez-vous des anecdotes qui soulignent l’importance du plaidoyer ?

Le plaidoyer autour du vaccin est d’abord pour sa disponible, son acceptation et son effectivité. Pour la disponibilité, cela doit se faire à l’endroit des autorités politiques pour qu’il y ait une ligne budgétaire consacrée à la lutte contre ce cancer. Au Burkina Faso, nous avons la chance qu’il existe déjà une ligne budgétaire pour les cancers féminins et nous avons fait un plaidoyer auprès du ministère de la santé pour renforcer cette ligne budgétaire.

Nous avons également fait des démarches vers les détenteurs de pouvoir non politique : les autorités coutumières, les chefs religieux, les influenceurs sur les réseaux sociaux, et hommes et femmes des médias. Nous avons fait un plaidoyer à leur égard pour leur demander de relayer l’information : pas une fois en passant à une certaine occasion, mas de façon continue de parler du cancer du col de l’utérus et de l’importance de la vaccination. Et nous avons même primé la personne qui passerait le plus d’informations justes sur le cancer du col de l’utérus et qui toucherait le plus de femmes et d’hommes pour qu’ils se mobilisent contre le cancer du col de l’utérus.

Quel est le rôle des organisations de société civile ?

La société civile a un seul objectif : générer la demande. Le dépistage du cancer du col de l’utérus est gratuit depuis 2016 mais la population qui vient réellement représente moins de 10% des femmes. Cela veut dire qu’il y a un défaut de sensibilisation et de méthode utilisée pour convaincre les femmes.

Il faut aussi réfléchir à comment faire pour aller vers les femmes. Un soutien de la société civile va permettre d’être beaucoup plus efficace et de mobiliser les femmes vers les centres de santé, les jeunes filles vers les centres de vaccination pour qu’en cas de disponibilité suffisante du vaccin, elles puissent le recevoir.

Quels changements devraient être opérés pour que le cancer du col de l'utérus soit mieux prévenu au Burkina Faso ?

Non seulement il faut équiper les hôpitaux pour qu’on puisse se battre contre le cancer, mais il faut investir en amont de l’hôpital. La bataille contre le cancer se gagne avant l’hôpital, par la prévention, par le diagnostic précoce, par les campagnes de dépistage.

L’hôpital doit être réservé pour les cas qui sont survenus malgré ces barrières. Cela va réduire l’incidence et de n’avoir dans les hôpitaux que les cas précoces sur lesquels la chirurgie, les traitements médicaux et la radiothérapie seront efficaces quasiment à 100%.