A Madagascar, l’éducation à la santé des jeunes passe par une appli mobile

Depuis 2021, le programme de santé ACCESS (Accessible Continuum of Care and Essential Services Sustained), financé par l’USAID, a mis à la disposition des jeunes malgaches l’application mobile TAFA pour leur faire acquérir un changement social et comportemental durable en lien avec leur santé. L’appli téléchargée plus de 20 000 fois est doublée de « coins jeunes » dans les collèges d’enseignement public des quatorze régions, pour ceux privés d’accès à Internet. La prévention du cancer du col de l’utérus fait l’objet d’une attention particulière.

  • 17 janvier 2023
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
L’application mobile TAFA vise à sensibiliser les jeunes aux problématiques de santé, en particulier la prévention du cancer du col de l'utérus. Crédit : Rivonala Razafison
L’application mobile TAFA vise à sensibiliser les jeunes aux problématiques de santé, en particulier la prévention du cancer du col de l'utérus. Crédit : Rivonala Razafison
 

 

« Madagascar est confronté à un certain nombre de défis lorsqu’il s’agit d’améliorer la santé et le bien-être de sa population. Le moyen de relever ces défis est de travailler ensemble pour promouvoir un changement social et un comportement durable. Le changement social est un processus qui consiste à encourager les gens à adopter les comportements et les attitudes plus simples susceptibles d’améliorer leur vie et celle de leur entourage. Il peut s’agir, par exemples, d’utiliser des moustiquaires imprégnées, de se faire vacciner, d’effectuer des consultations prénatales et d’accoucher dans les formations sanitaires », soulignait une représentante du bureau de l’OMS local lors d’une manifestation Be M’Ray. Organisée à Antananarivo du 14 au 15 décembre dernier, elle était destinée à promouvoir les 21 comportements de santé prioritaires.

Les réflexes requis à cette fin mettent en avant la promotion des gestes simples avant la prévention (par les vaccins) et concernent tous les individus, depuis la conception à l’intérieur de l’utérus jusqu’à la fin de la vie. « Beaucoup de maladies infectieuses sont évitables par le lavage des mains, par exemple », explique Dr Manitra Rakotoarivony, directeur de la promotion de la santé à Madagascar. En effet, le pays dispose depuis 2019 d’une stratégie du changement social dont la mise à jour est prévue cette année.

Le cancer du col de l’utérus, après celui des seins, est le deuxième cancer gynécologique traité à Antananarivo. La moyenne d’âge des patientes est de 52 ans et les plus jeunes ont 32 ans.

L’appli TAFA ou TAnora Filamatra Aho (Jeunes promoteurs du civisme et de la citoyenneté ou JPCC) a été créée et lancée en partenariat avec l'opérateur de téléphonie mobile Orange. « Nous consultons toujours les jeunes à chaque descente. Les idées ont émané d’eux-mêmes. Les applis mobiles sont à leur portée et proches de leurs sensibilités », souligne Fitiavana Ramamisoa, Youth and urban health advisor à l’USAID ACCESS Program.

Prévention du papillomavirus

Toutes les étapes de la conception, ayant démarré en 2020, ont été validées par le ministère de la Santé publique. Des mises à jour interviennent régulièrement. L’appli comprend onze thématiques dont la prévention du cancer du col de l’utérus. Un accent particulier est mis sur la possibilité pour les filles et les femmes de se protéger des ravages du papillomavirus humain (VPH) par la vaccination.

Vaccination VPH Madagascar
La vaccination est un moyen de prévenir l'infection par le papillomavirus humain, qui provoque le cancer du col de l'utérus.
Crédit : Rivonala Razafison

Le message est également adressé aux garçons/hommes (porteurs sains) pour qu’ils fassent beaucoup plus attention à leur comportement. Par manque d’hygiène, ils contaminent d’autres personnes saines après un rapport sexuel non protégé avec des filles/femmes ayant le VPH.

L’appli est aussi conçue de façon à permettre aux usagers d’apprendre en jouant. Elle est pour la jeunesse nationale en général. Les informations à transmettre sont présentées sous forme de quizz. Plus de 20 000 jeunes malgaches à Madagascar, en France et ailleurs l’ont aujourd’hui installée sur leurs smartphones.

La mise en place des coins jeunes au sein des collèges d’enseignement général publics cible ceux n’ayant pas de smartphones et privés de connexion Internet. « Nous organisons tous les jeudis après-midi une séance dédiée aux questions intéressant les jeunes autour de leur santé. Les comportements prioritaires sont tour à tour abordés. Des supports vidéo offert par ACCESS existent pour ce faire », confirme Jocelyn Lemahefa, directeur adjoint du CEG de Vatomandry et encadreur du coin jeune local.

« Les jeunes de chez nous sont très enthousiastes. Ce ne sont pas seulement nos élèves qui viennent assister aux séances hebdomadaires mais ceux venant d’ailleurs aussi. Ils prêtent une grande attention aux questions touchant la santé reproductive », renchérit son homologue à Brickaville Eden French Harthmann Raminonjatovo. De plus en plus de jeunes filles malgaches entament leur vie sexuelle avant l’âge de 15 ans, d’après les statistiques. Celles-ci sont à la longue exposées à des risques variés.

Le fardeau du cancer du col de l'utérus

Les cliniciens en contact permanent avec les malades du cancer au centre hospitalier universitaire Joseph Ravoahangy Andrianavalona (HJRA) à Antananarivo, à l’instar du Dr Ny Ony Tiana Florence Andrianandrasana et du Dr Malala Razakanaivo, respectivement chef de service d’oncologie médicale et chef de service oncologie radiothérapie du même établissement, apprennent avec joie l’existence de sensibilisation des jeunes par les technologies.

Selon les données disponibles, le cancer du col de l’utérus, après celui des seins, est le deuxième cancer gynécologique traité à Antananarivo. La moyenne d’âge des patientes est de 52 ans et les plus jeunes ont 32 ans. « Nous effectuons un millier de consultations par an. Quelque 800 sont cancéreux dont 24% souffrant du cancer du col de l’utérus, qui est déjà au stade avancé pour les deux-tiers », dit Dr Andrianandrasana.

D’après son constat, les patientes sous traitement ignorent toutes l’existence du vaccin contre ce cancer. Selon l’OMS, une seule dose protège contre le VPH. Les malades sont plutôt au courant de l’existence du dépistage. « A notre avis, le programme scolaire devrait contenir un chapitre sur les cancers même en petite promotion. Il est recommandé de se faire dépister. L’inspection à l’acide acétique est aujourd’hui disponible auprès de chaque centre de santé de base dans toute l’île. L’évolution du cancer s’étale sur une période de 10 ans au minimum. Les lésions précancéreuses sont tout à fait traitables », insiste-t-elle.

Par-delà l’existence de vaccin, l’usage des technologies est une bonne chose pour aider les filles et femmes et leurs homologues masculins à adopter un comportement durable vis-à-vis de la pathologie. Andrianandrasana et ses collègues suggèrent l’introduction du vaccin contre le VPH dans le programme élargi de vaccination (PEV).

« Il n’est pas encore pour l’heure intégré dans le calendrier vaccinal. En revanche, la proposition d’introduction sur recommandation du Groupe technique consultatif sur la vaccination est déjà à l’ordre du jour », révèle Dr Rivomalala Rakotonavalona, directeur du PEV à Madagascar.

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