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Lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le plus grand consommateur d'antibiotiques au monde

L’Inde, souvent qualifiée de « pharmacie du monde » et « d'épicentre de la résistance aux antimicrobiens », fait face à des défis majeurs. TV Padma analyse les tendances de la résistance aux médicaments dans le pays le plus peuplé du monde.

  • 26 septembre 2024
  • 6 min de lecture
  • par T V Padma
Une infirmière administre le vaccin antirotavirus à un enfant lors d'une séance de vaccination de routine en Inde. Gavi/2023/Prakhar Deep Jain
Une infirmière administre le vaccin antirotavirus à un enfant lors d'une séance de vaccination de routine en Inde. Gavi/2023/Prakhar Deep Jain
 

 

La 79e session de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) va accueillir une deuxième réunion de haut niveau sur la montée de la résistance aux antimicrobiens (RAM), un problème que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie de « menace majeure pour la santé publique et le développement mondial ».

En 2019, la RAM bactérienne a été directement responsable de 1,27 million de décès à travers le monde et a contribué à 4,95 millions de décès. Et cette résistance continue de se propager.

La principale cause de l’accroissement de la résistance des agents pathogènes aux antimicrobiens est la surconsommation et l’usage inapproprié de ces médicaments chez l’humain, les animaux et les plantes. Ce problème concerne non seulement leur utilisation, mais aussi les normes de production, qui représentent également un facteur à risque.

En Inde, plus de la moitié des antibiotiques prescrits servent à prévenir des infections plutôt qu'à traiter des cas avérés.

L'OMS a publié ce mois-ci un guide sur la gestion des eaux usées et des déchets solides dans la production d'antibiotiques. L'objectif est de fournir « une base scientifique neutre » aux régulateurs, acheteurs, inspecteurs et à l'industrie, afin d'intégrer un contrôle strict de la pollution par les antibiotiques dans leurs normes.

L'Inde, souvent appelée la « pharmacie du monde » pour sa production massive de médicaments, est l'un des principaux marchés visés par ce document. En effet, le pays est non seulement le plus grand consommateur mondial d'antibiotiques pour la santé humaine en valeur absolue, mais aussi l'épicentre de la résistance aux antimicrobiens.

La résistance antimicrobienne en Inde

Le rapport annuel 2023 du réseau de surveillance de la RAM de l'Indian Council of Medical Research (ICMR) a analysé les antibiotiques utilisés contre les infections respiratoires, la fièvre, la diarrhée, la pneumonie, la septicémie et d'autres infections sanguines. Il a révélé qu’Escherichia coli, responsable des infections gastro-intestinales, est le pathogène le plus fréquemment résistant, suivi de Klebsiella pneumoniae, qui provoque notamment des pneumonies et des infections urinaires, ainsi que d’Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus. E. coli et K. pneumoniae montrent une résistance croissante à la majorité des traitements.

Cependant, l'usage des antibiotiques en Inde reste largement imprudent. Selon une enquête du Centre national de contrôle des maladies (NCDC) de l’ICMR en 2021-22, plus de la moitié des antibiotiques prescrits servent à prévenir des infections plutôt qu'à traiter des cas avérés. Près de 57 % des prescriptions relèvent du « groupe de surveillance » de l’OMS, qui comprend des médicaments particulièrement vulnérables au développement de résistances.

En juillet, une étude menée par Tavpritesh Sethi et publiée dans The Lancet Regional Health a confirmé la hausse préoccupante de la résistance à des antibiotiques cruciaux, comme l'imipénème, utilisé contre Acinetobacter, Klebsiella et E. coli. Cette étude, réalisée entre 2017 et 2022, a utilisé des outils statistiques et d'intelligence artificielle pour analyser les tendances de résistance et d'infections sanguines.

Les vaccins pourraient considérablement réduire l'utilisation des antibiotiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), offrant l'espoir de réduire à la fois les coûts de santé et la pauvreté, selon des experts indiens en résistance antimicrobienne.

Outre leur rôle dans la prévention des infections directement causées par certains pathogènes, les vaccins jouent un rôle clé dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM) en limitant l'apparition d'infections virales susceptibles de prédisposer à des colonisations bactériennes.

Les chercheurs ont observé que les tendances de résistance varient selon les régions de l'Inde. Les isolats résistants d'E. coli étaient plus fréquents dans le sud, tandis que les Staphylococcus résistants prédominaient dans le nord.

La résistance d'Acinetobacter était plus présente dans le centre et le nord-est du pays, tandis que Klebsiella, P. aeruginosa et Enterococcus avaient une distribution plus uniforme. Une forte multirésistance a été notée pour Klebsiella, Acinetobacter et Staphylococcus.

Les vaccins peuvent-ils jouer un rôle ?

Les vaccins pourraient considérablement réduire l'utilisation des antibiotiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), offrant l'espoir de réduire à la fois les coûts de santé et la pauvreté, selon des experts indiens en résistance antimicrobienne.

Cependant, une stratégie basée sur la vaccination pose des défis, car certains agents infectieux ne disposent pas encore de vaccins. Certains scientifiques estiment que la RAM devrait devenir une priorité mondiale, en mobilisant les efforts d'urgence comme ce fut le cas pour le développement rapide des vaccins contre la COVID-19.

Des études montrent qu'après l'introduction de programmes de vaccination, les prescriptions d'antibiotiques ont chuté de manière significative : de 64 % en Ontario, au Canada, et jusqu'à 88 % chez les enfants en Italie, au Japon et au Pakistan.

Outre leur rôle dans la prévention des infections directement causées par certains pathogènes, les vaccins jouent un rôle clé dans la lutte contre la RAM en limitant l'apparition d'infections virales susceptibles de prédisposer à des colonisations bactériennes.

Par exemple, la grippe affaiblit le système immunitaire, augmentant ainsi le risque de co-infections bactériennes. La vaccination permet de réduire la charge virale et la durée de l'infection, limitant ainsi la période durant laquelle une colonisation bactérienne peut survenir. Le même mécanisme est observé avec la rougeole, un virus qui attaque directement les cellules immunitaires. La plupart des décès liés à la rougeole sont dus à des co-infections bactériennes.

Des études montrent qu'après l'introduction de programmes de vaccination, les prescriptions d'antibiotiques ont chuté de manière significative : de 64 % en Ontario, au Canada, et jusqu'à 88 % chez les enfants en Italie, au Japon et au Pakistan.

De plus, la vaccination contre des infections mineures comme la varicelle pourrait réduire drastiquement les coûts liés aux antibiotiques. Dans des pays comme le Sénégal et l'Afrique du Sud, les vaccins contre la grippe pourraient éviter jusqu'à 390 prescriptions d'antibiotiques pour 100 000 personnes par an, illustrant leur potentiel à réduire l’usage abusif des antibiotiques et à freiner la résistance.

Bien que de nouveaux antibiotiques soient urgemment nécessaires pour traiter les infections bactériennes, l’utilisation accrue des vaccins pourrait prolonger l’efficacité des traitements antimicrobiens actuels et futurs.

Des projets prometteurs

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a classé les agents pathogènes hautement prioritaires en trois groupes, en fonction du potentiel de développement de vaccins :

i. Groupe A (très élevé) : pour les agents pathogènes déjà couverts par des vaccins homologués. L'objectif est d'accroître la couverture vaccinale existante.

ii. Groupe B (élevé) : pour les agents pathogènes dont les vaccins candidats sont en phase avancée de développement. L'objectif est d'accélérer leur mise sur le marché.

iii. Groupe C (modéré) : pour les agents pathogènes avec des vaccins candidats en phase précoce d'essais ou encore à l'étude. L'objectif est de mieux comprendre leur potentiel et leur impact.

Table: WHO identification and reclassification of high-priority pathogens into three groups, according to the feasibility of vaccine development against them

Actuellement, il est évident que les vaccins sont sous-utilisés en tant qu’élément crucial dans la stratégie contre la RAM, en complément d’autres interventions comme la gestion des antibiotiques et le développement de nouveaux médicaments – qui sont désespérément nécessaires pour des pathogènes clés comme la tuberculose, le Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae et les gonocoques.

Pour renforcer encore l’innovation dans la lutte contre la RAM, notamment dans les pays à revenu faible et intermédiaire, il existe plusieurs domaines prometteurs, comme le développement de diagnostics rapides et de tests au point de soins ; les peptides antimicrobiens (de petits fragments de protéines qui inhibent certaines bactéries, virus, champignons et pathogènes) ; la thérapie par phages, qui utilise des virus pour cibler et tuer certaines bactéries ; la découverte de médicaments assistée par l’intelligence artificielle ; les systèmes de distribution de médicaments basés sur la nanotechnologie ; ou encore la gestion du microbiome intestinal, entre autres.

Ces approches innovantes peuvent permettre de lutter contre la RAM sous différents angles – du diagnostic au traitement, en passant par la prévention et la gestion environnementale – pour répondre à ce qui constitue véritablement un défi sanitaire mondial existentiel.